The Nightingale – Jennifer Kent [2018]: la justice des opprimé.es

Grand Prix du festival Hallucinations Collectives, 13e édition, Comoedia, Lyon, lundi 7 septembre 2020.


1825, au cœur de la colonisation de l’Australie. Après le massacre de toute sa famille, une jeune irlandaise traverse les terres tasmaniennes et rumine sa vengeance contre les soldats britanniques responsables de son malheur.

A l’issue du festival Hallucinations collectives le jury a dû trancher. Pour les trois membres du jury, deux films sortaient du lot et avaient beaucoup à nous raconter sur la condition humaine : un film indien de Lijo Jose Pelliserry, “Jallikattu” (2019), proposant une symphonie rythmée et enivrante haute en couleurs, et un film australien d’une grande beauté et au sens profond de la réalisatrice et scénariste Jennifer Kent (1). Le choix définitif du jury s’est porté sur ce dernier intitulé “The Nightingale” (Le Rossignol), dont la trame tourne autour de la vengeance d’une femme violée et meurtrie, corps et âme.

Histoire sans concession à l’intersection des drames et crimes de la colonisation : esclavage, hiérarchisation sociale, brutalité masculine, violences militaires, sexuelles, raciales ou sociales… le film de Jennifer Kent met en scène la révolte des subalternes et brise les tabous des non dits des histoires officielles. Mais cette histoire genrée, au demeurant féministe, écrite par une femme et admirablement portée par une femme, déterminée à se faire justice, résonne parfaitement dans ce début de vingt-et-unième siècle. Son approche décoloniale rend hommage au peuple aborigène rappelant ces lourds silences de l’histoire encore difficiles à montrer sur les peuples écrasés.

Dans ce sens “The Nightingale” est assurément un film politique qui s’insère dans les grands films du cinéma mondial, exprimant la complexité de l’âme humaine, ses errements militaristes, sa sauvagerie raciste et ses espoirs de résistance (2). En nous plongeant dans la barbarie du quotidien d’un XIXe siècle révolu, le film interroge plus que jamais le devenir de la condition humaine. A ce titre, le récit possède une portée universelle et une puissance dramatique ancrée dans les rapports humains et sociaux. Plus complexe qu’elle n’y paraît de premier abord, cette ode à la nature et à la sincérité de l’âme vous touchera en plein cœur.

FX, MàJ 08/09/2020.


Notes :

(1) Les autres films, tous également très bons mais inégaux dans le scénario, le rythme, le son ou le dénouement, ont néanmoins laissé une belle impression. Voir la sélection 2020 : compétition long-métrages.

(2) On peut penser au film de Robert Enrico “Le vieux fusil” (1975) récompensé par la critique, ou à d’autres propos sur la justice dans les films de Costa Gavras.

Pour en savoir plus : Hallucinations Collectives (Facebook).