“No future, pour toujours” par Olivier Richard

Paru dans Libération le 25 mai dernier…

A soixante ans bien tassés, les vétérans du punk rock tournent toujours comme des forcenés.

La Clef, Saint-Germain-en-Laye, le 12 avril. Le concert de The Exploited affiche complet : 530 spectateurs. L’ambiance est relax, aux antipodes de la tension qui régnait le soir de leur premier concert parisien, en 1981 au Palace. Dans les loges, Wattie Buchan, le chanteur du groupe, jubile en racontant avec un accent écossais à couper à la hache que «faire de la musique lui a permis de voyager partout dans le monde». Hilare, l’homme à la crête poursuit : «En plus, voir des gens apprécier ma musique me procure les meilleures sensations que je puisse avoir. Et pour couronner le tout, je suis payé… Ha ! Ha ! Ha !»

Quarante ans plus tôt, le 14 janvier 1978 à San Francisco, les Sex Pistols donnaient ce qui était censé être leur dernier concert (ils se sont reformés deux fois depuis). A l’époque, la puissante presse musicale en conclut que le punk est mort. Lourde erreur, le mouvement n’en est qu’à ses débuts et va se répandre comme la vérole sur le bas clergé breton un peu partout sur la planète. D’autant que, phénomène désormais classique, grâce au Net, les groupes les plus obscurs de l’épopée keupon connaissent aujourd’hui une deuxième carrière et recrutent de nouveaux fans. La pacification des mœurs et la professionnalisation du milieu font que, désormais, les vieux punks peuvent venir évangéliser nos campagnes à une fréquence impensable aux temps héroïques. Au-delà de l’aspect financier, on peut légitimement se demander quelles sont les raisons qui poussent ces quinquas, voire ces sexagénaires, à continuer à appeler à la révolution sur fond de pilonnage sonique. Buchan, 61 ans dont bientôt quarante de punk non-stop, explique : «Je suis poussé par la colère. La situation du monde ne s’est pas améliorée depuis nos débuts. On a eu tous ces enfoirés : Tony Blair, Thatcher… Maintenant, il y a ce connard de Trump. Des gens souffrent partout : en Syrie, sous les bombes russes. En Palestine, à cause d’Israël. Putain, toutes ces injustices sont dégueulasses. Et je ne parle pas des migrants qui se noient. Toutes ces choses me mettent la haine et le punk est la musique de la colère. Le punk est la musique de la classe ouvrière en colère !»

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« le punk a été le vaccin indispensable au système capitaliste» : « C’était une réaction au même titre que le mouvement hippie dont il est une continuité. Et, quand on voit comment les choses tournent, on comprend qu’on a encore besoin de ce vaccin ! De toute manière, la musique est ma vie. Pour moi, un concert est une cérémonie, ça dépasse le punk. Et je me suis trouvé un rôle, celui de fédérer la tribu. Et j’assume ce rôle. » [Loran, ex-Bérurier Noir]

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Photo : Teen boy with long mohawk hairstyle and jacket reading “exploited” in profile. / Ted Foxx / Alamy Stock Photo.