C’est souvent dans les petits livres que l’on trouve de grandes idées.
[…] J’avoue que je répugne à répéter (et même à prononcer) ce mot de révolution quand je pense à l’utilisation qui en a été faite dans l’histoire jusqu’à aujourd’hui compris. Et pourtant ce mot, malgré les violences et les trahisons qu’il a dû subir, conserve par-devers lui sa signification première et authentique : celle d’une grande action populaire qui se propose comme fin d’instaurer une société plus digne. Or, on a agité trop de drapeaux équivoques sur cette définition pourtant claire.
Et la première équivoque a été d’écrire sur ce drapeau le slogan national : la fin justifie les moyens. Ce principe (qu’on agité aussi Benito Mussolini et consorts pour leurs « révolutions ») est une enseigne de fausseté qu’on reconnaît sans coup férir. Car c’est au contraire dans son retournement que se trouve la vérité : les moyens dénoncent la fin. Or, les moyens auxquels vous recourez actuellement correspondent à un modèle précis et parfaitement reconnaissable : c’est celui qui a détruit les « révolutions » les plus sombres de notre siècle et qui se fonde sur un traite de base : le mépris complet de la personne humaine.

Extrait de « Une lettre aux Brigades Rouges » (20 mars 1978) in Petit manifeste des communistes (sans classe ni parti), Paris, Rivages poche, coll. « Petite bibliothèque », 2018, p. 24-26.